Avoir un enfant, c’est un fichu de beau projet. On y pense, on le planifie, on le fait, on l’attend. On le désire si fort. On se projette dans le temps. Il sera pompier, médecin ou pilote d’hélicoptère. On le met au monde, on en prend soin 24 heures sur 24. On nous apprend à toujours l’avoir à l’œil, à anticiper ses moindres gestes afin de le protéger et lui éviter de se faire mal.
On visite ensuite des garderies à la tonne. On en voit qui nous donnent des sueurs froides et puis finalement, on rencontre notre perle rare. Celle à qui l’on confie notre beau petit bébé précieux pendant qu’on va gagner de quoi subvenir à ses besoins. Ça nous déchire le cœur en deux de le laisser là les premiers matins. On repart en pleurant, l’impression qu’on y a laissé une partie de soi. Mais on se réconforte en regardant ses yeux brillants lorsque finalement il tend les bras à son éducatrice; celle qui partagera son éducation pendant plus de 8000 heures avant la transition vers le monde des grands.
Pendant 5 ans, on est en hyper vigilance. On le lave, on le nourrit, on lui apprend la vie. On le stimule, on le félicite, on l’encadre. On lui apprend à se faire des amis, à échanger avec les autres, à avoir de belles attentions. On le voit grandir sous nos yeux à une vitesse folle que rien ni personne ne peut freiner.
Puis vient un printemps où tout cela s’apprête à changer. On voit arriver à grands pas le moment de diriger notre si précieux bébé devenu grand vers l’école. Ce monde de grands où l’on a l’impression de ne pouvoir rien contrôler. On y pense, on anticipe. On a tous vécu des moments magiques à l’école tout comme des moments tragiques. Apprendre, rire, jouer et grandir ne devrait-il pas être toujours beau et grand? Malheureusement, les enfants ne sont pas toujours gentils et on donnerait tout pour protéger ce qu’on a de plus précieux des railleries ou des commentaires désobligeants des autres. On l’a élevé beau, grand et fort et on ne veut pour rien au monde que quelqu’un le fasse douter de lui, ou de sa valeur.
On y pense de temps en temps, mais on chasse ces idées-là pour montrer à notre enfant que c’est COOL aller à l’école. Que c’est une belle étape et qu’il doit être fier d’être rendu là.
Puis, vient le matin fatidique. Celui où l’on se rend, papa, maman et lui, dans la cour d’école pour la rentrée. Chaque petite famille avec ses 3-4 sacs d’effets scolaires. Chaque petite famille tenant son bijou précieux par la main comme une bouée de sauvetage. Ce matin-là, sans qu’il s’en rende compte, c’est lui qui nous tient. On est forte pour lui. Notre force se nourrit de la lumière qui brille dans ses yeux. La fierté d’être rendu à l’école. L’amour dans ses yeux quand il retrouve des petits voisins, des connaissances et des amis.
Peu à peu, le sentiment d’impuissance se transforme en fierté. On se rend compte que finalement on a bien fait notre travail. Si ça prend un village pour élever un enfant alors au moins on a bien fait notre 1/6 de la job. On se rend compte qu’on lui a donné tous les outils nécessaires dans son coffre à outils de la vie pour qu’il fasse son chemin. On prend conscience que le si petit être humain qu’on tenait dans nos bras si fort de peur de l’échapper est rendu un beau grand garçon. On essaie tranquillement de lâcher prise.
On commence alors à lui faire confiance. Confiance en lui, en son jugement et en ses si merveilleuses capacités.
On a encore l’impression d’y laisser une partie de soi, mais ce n’est pas la première ni la dernière fois. Notre rôle comme parent, le plus beau devoir du monde, c’est de le guider vers le sommet. Et cela commence le jour où on le laisse peu à peu voler de ses propres ailes.