– C’est une belle histoire que celle qui est la nôtre.
Pourtant, j’donnerais ma vie pour qu’tu sois comme les autres!
-Lynda Lemay-
À toi, mon enfant différente et à tous ceux qui te ressemblent…
À toutes les mamans qui ne trouvent pas les mots, je vous prêtent les miens, juste le temps de le dire, de le lire…
Ma petite fée,
Je sais que tu ne comprends pas encore, mais un jour, je l’espère, ce sera le cas. Ce jour-là, j’aimerais que tu puisses lire mes mots et que ce soit réconfortant pour toi.
Tu es venue au monde un soir d’orage, sous un ciel noir, percé par des éclairs et animé par le bruit du tonnerre. Peut-être que toute cette agitation annonçait ce que tu apporterais dans ma vie. Tout est si intense depuis que tu es parmi nous.
Parfois, je suis fatiguée. Tu entends souvent les gens dire que c’est difficile d’être la maman d’une enfant comme toi. Même si ces gens sont des professionnels, je ne veux pas que tu les écoutes. Ce sont eux qui rendent notre vie compliquée. Un rendez-vous ici, un rendez-vous là… Lorsque ça n’entre plus dans l’horaire ou que ça le rend presque inhumain, chacun d’eux tire de son côté se croyant le plus important… Plus important que ton frère et ta soeur même parfois…
En secret, quand il y a juste nos proches, je t’appelle Bébé Carré. C’est nul, je sais, mais ça te fait rire chaque fois. Mon petit carré qu’on essaie de faire tenir dans un moule rond parce que, socialement, on aime l’esthétique des petits ronds. Je ne laisserai personne te transformer, te changer. Je te promets que, près de moi, tu pourras toujours être toi.
Mon trésor, j’aime quand tu ris. Quand tu ris fort, que tu cris le prénom de ta soeur, que tu cours vers ton frère les bras ouverts pour lui faire un câlin, je t’aime tellement. Lorsqu’on te demande de suivre des consignes, de faire comme si tu comprenais ce qu’on attend de toi, j’ai envie de te prendre dans mes bras et de partir. Je voudrais t’amener dehors cueillir des pissenlits, arracher du gazon et regarder passer les fourmis. C’est lorsque tu fais ces choses que tu es vraiment heureuse. J’aime tellement te voir heureuse.
Mon coeur de maman déborde de joie quand tu fais du vélo “avec les petites roues” en riant aux éclats comme si chaque fois était la première. On dirait que, chaque fois, ton premier coup de pédale te surprend. Tu rigoles et tu roules comme si tu essayais de t’envoler. Je te regarde et je me dis qu’il faut être fou pour essayer de te changer. Toute cette insouciance, toute cette différence, cette façon unique de ressentir le monde, ça te rend si formidable, si belle à regarder grandir.
Il m’arrive souvent d’avoir peur que tu t’effaces. Entourée de tous ces gens qui veulent faire de toi quelqu’un que tu n’es pas, j’ai peur de perdre ton rire, tes petites blagues et tes câlins. J’ai peur qu’ils te transforment et que tu oublies à quel point tu es belle et heureuse quand tu tournes dans tes robes de princesse pendant de longues minutes qui te semblent des secondes.
Alors qu’on me parle de ton développement, de ton intégration, de ta capacité d’adaptation, moi, ta maman, je pense à ton bonheur. Tu veux grimper parce que tu es enfin capable de le faire et ce qu’on te demande, c’est de te concentrer sur le mot que tu n’arrives pas à dire. Tu regardes partout à la recherche d’un jouet que tu aimes ou de ta poupée pour la bercer, mais on attend de toi que tu pointes la bonne image ou que tu restes immobile derrière un ami parce que ce n’est pas encore ton tour de jouer.
Je vois bien que tu n’aimes pas faire comme les autres. Tu veux venir vers moi. On m’explique souvent que ce serait plus facile si j’étais moins présente. Mais pour qui ce serait plus facile? Pour eux, seulement… Parce que, pour toi, Bébé Carré, le monde est plus doux, plus coloré, plus amusant avec quelqu’un qui te comprend, qui accepte et qui aime de tout son être, la petite humaine atypique que tu es.